
Si la conscience de la stupidité de nos actes ne suffit pas à les stopper, qu’est-ce qui le peut? La lucidité n’évite pas un geste inapproprié. Et trop souvent, alors qu’au fond de nous l’estime s’éteint, des mots dégoulinent de nos lèvres, ces mots qu’on retient et qu’on sait terribles, et s’en est fini de la colère intérieure, à présent c’est la peine, le mépris et le dégoût qui nous envahissent, qui nous anéantissent. Haïr ses propres réactions est aussi vain et redondant qu’essayer de les contrôler. Mais être ignorant est-il la solution? Existe-t-il vraiment des gens niais ou sont-ils en réalité conscients de la stérilité d’un questionnement perpétuel? L’estime de quelqu’un d’autre suffit-elle à combler le néant de nos entrailles, suffit-elle à reconstruire ou est-ce qu’elle ne fait que recouvrir les décombres qui gisent entre nos murs? Car depuis trop longtemps nous nous occupons à nous démolir, à nous démanteler. Pièce par pièce on s’immole on s’attache à des douleurs qu’il est trop facile de ranimer, et la lâcheté nous soutient, puisqu’il est toujours plus dur d’étouffer une ardeur que de l’intensifier. C’est dans un cercle vicieux que ces mésestimes nous entrainent et de ce fait les issues de la dépression ne sont plus que des scories dans la fournaise de nos tripes; les larmes sont vaines, elles n’éteindront plus le feu qui ronge déjà nos membres, et déjà nos doigts s’engourdissent, et déjà nous sommes inertes. Nous sommes lucides, nous sommes cendres.